Née à Paris en 1600, Jeanne de Schomberg est la fille d’Henri de Schomberg et de Françoise de l’Espinay, et la petite-fille d’un colonel allemand. Après avoir connu un premier mariage annulé, elle se marie avec Roger du Plessis, marquis de Liancourt, gentilhomme de la chambre du roi, dont elle aura un fils. Elle devient l’amie indéfectible de l’abbaye de Port-Royal, où sa petite-fille Jeanne-Charlotte est élevée, et avec son mari entretient des relations profondes avec les Messieurs de Port-Royal. Accueillant de 1630 à 1670, de nombreux écrivains dans son hôtel parisien, Mme de Liancourt est l’interlocutrice cultivée de grands esprits de son temps, qu’ils se nomment la marquise de Sablé ou la comtesse de Maure, Antoine Arnauld ou de Le Maistre de Sacy, Racine, Jacques Esprit ou le duc de La Rochefoucauld, neveu de Roger du Plessis. Les Liancourt protègent aussi très longtemps et accueillent dans leurs demeures deux personnalités aux engagements augustiniens manifestes : l’oratorien Toussaint Desmares, interdit de chaire de 1648 à 1668, et le théologien Amable de Bourzeis, abbé de Cores.
Le nom de Mme de Liancourt reste lié surtout au Règlement qu’elle compose à l’intention de sa petite-fille, devenue, par son mariage, princesse de Marcillac, belle-fille du duc de La Rochefoucauld, l’auteur des Maximes et des Mémoires : l’ouvrage est rédigé entre 1659, date du mariage de Jeanne-Charlotte, et 1669, date de son décès. Après avoir consacré sa vie à l’amour d’un mari d’abord peu fidèle, puis converti, elle la dédie à l’amour de sa famille, de sa petite-fille et de ses petits-enfants, et à la défense des religieuses de Port-Royal : depuis longtemps les Liancourt se sont fait construire un petit logis devant l’église de l’abbaye des Champs.
Dans l’Avertissement à la première édition du Règlement, Jean-Jacques Boileau dit en quelques morts son estime pour cette grande dame, » une dame des premières maisons du royaume, et faite, si elle l’avait voulu, pour être l’un des premiers ornements de la cour de Louis XIV « , mais qui s’y refuse, préférant » vivre dans la retraite, occupée du soin de son domestique, de l’éducation de ses enfants, et livrée à toutes les pratiques de la religion, autant que les devoirs indispensables de son rang pouvaient le lui permettre. » Inspirée par la spiritualité de saint François de Sales, Jeanne de Schomberg ne peut qu’avoir intériorisé les exemples reçues des religieuses de Port-Royal, dans leur idéal de modestie, de perspicacité au-delà des obstacles de la vie quotidienne, et de foi profonde en Dieu ; mais une foi qui n’occulte pas le rôle de la raison, ainsi qu’elle l’écrit elle-même : » Vous ne sauriez avoir la paix en vous-même, si vos passions ne sont soumises à la raison, et votre raison à Dieu. »
Jeanne de Schomberg meurt à Liancourt le 14 juin 1674, et son mari le 1er août suivant : ils sont inhumés dans l’église de Liancourt, non loin de Beauvais. Près d’un quart de siècle après leur mort paraîtra, en 1698, le Règlement donné par une dame de haute qualité à M*** sa petite-fille, pour sa conduite et pour celle de sa maison, avec un autre règlement que cette dame avoit dressé pour elle-mesme : l’ouvrage connaîtra de nombreuses rééditions.
Jean Lesaulnier