Port-Royal connut dans les années 1660, pour reprendre l’expression de Sainte-Beuve, son « été orageux ». À cette époque, Louis XIV, soucieux d’imposer l’uniformité religieuse au pays, pourchasse toutes les déviances, et Port-Royal lui paraît être un foyer de sédition. Souvenirs de la Fronde, souvenirs de la Révolution d’Angleterre, crainte de l’influence d’une faction, peur du modernisme, autant de raisons qui vont pousser Louis XIV à devenir le destructeur de Port-Royal. Dans cette entreprise de longue haleine, qui occupera tout son règne, le 26 août 1664 constitue une date particulièrement pénible dans l’histoire du monastère.
Afin qu’il y ait uniformité dans tous les diocèses, en 1661, l’assemblée du clergé de France impose à tous les ecclésiastiques, mais aussi à tous les religieux et religieuses, la signature d’un Formulaire portant condamnation du jansénisme.
C’est la perte de Port-Royal. Les religieuses refusant de signer, une terrible persécution commence avec, entre autres mesures, le renvoi des pensionnaires et l’interdiction de recevoir de nouvelles postulantes. Malgré les soutiens dont jouit Port-Royal, y compris celui de la reine de Pologne, les attaques continuent: en août 1664, devant le refus réitéré de signer le Formulaire, l’archevêque de Paris Péréfixe décide d’interdire de sacrements les moniales, et insulte la mère abbesse, Mme de Ligny, qu’il traite de petite sotte et de petite ignorante.
Le 26 août 1664, M. de Péréfixe se présente au monastère de Paris avec des forces de police impressionnantes: près de 200 personnes envahissent la cour de Port-Royal. L’archevêque, en rochet et camail, faisant porter sa croix, nomme douze religieuses, dont la mère abbesse Mme de Ligny, et leur fait savoir sa décision de les faire conduire dans d’autres monastères où elles seront privées de toute relation avec l’extérieur, sans même leur indiquer les lieux de leur exil.
En signe de protestation, les religieuses épargnées signent un procès-verbal, relation de l’enlèvement de leurs douze compagnes.