Cet Ecce homo de Philippe de Champaigne illustre bien les contraintes et la puissance suggestive d’un art inspiré par la théologie de Port-Royal (cliquer sur le tableau pour l’agrandir).
Tout d’abord, on constate le respect de Champaigne pour les Ecritures: « Jésus parut donc avec la couronne d’épines et le manteau de pourpre et Pilate leur dit: ‘Voici l’homme’ « (Jean, XIX, 15). Le peintre peint donc le Christ flagellé, assis dans le prétoire, vêtu des symboles dérisoires de royauté que les soldats lui ont conférée par raillerie: le roseau en guise de sceptre, la couronne d’épines.
Contrairement à beaucoup de représentations de cette scène, nous voyons le Christ seul, et non conspué par les soldats: il est en méditation, tourné vers lui-même, inattentif aux vanités extérieures.
L’absence de vie humaine, le décor froid et minéral, l’absence d’objets superflus, tout concourt à concentrer la scène sur le Christ méditant avant sa crucifixion. Rien ne vient « divertir » les yeux: le tableau ne cherche pas à délecter le regard, mais à favoriser la méditation du spectateur, d’où cette austérité voulue.
« L’homme de douleur » (ps. 53, 3), offert à la vision avant d’être livré en pâture à la foule, est à la fois « objet de mépris » martyrisé et « le plus beau des enfants des hommes »: aussi est-ce un homme assis avec dignité; les plis du drapé, la tenue des bras au-dessous des genoux contribuent à nous présenter un Christ à la fois simple et familier — il est homme — et néanmoins, aux yeux de qui sait voir, majestueux dans sa souffrance — car il est aussi Dieu.