Jusqu’au 15 novembre, le Château de Bois-Guilbert accueille une exposition en 20 panneaux sur la vie et l’oeuvre de Pierre Le Pesant de Boisguilbert (1646-1714), précurseur de la science économique, dans le cadre du label « Maison des illustres » reçu par Ministère de la Culture et de la Communication. Découvrez un magnifique domaine, dont le château est labellisé « Maison des Illustres », et le jardin « Jardin remarquable » par le ministère de la culture et de la communication, et suivez le parcours fascinant de cet humaniste qui estimait que la finalité naturelle de l’économie est de bénéficier à tous et de « soulager les populations ».
L’illustre
Pierre Le Pesant de Boisguilbert, contemporain de Louis XIV, naît à Rouen en 1646 dans une famille de « noblesse de robe » récente dont est issue Marthe Le Pesant, mère de Pierre et Thomas Corneille et grand-mère du philosophe Fontenelle.
Son œuvre est celle d’un gentilhomme éclairé, appartenant à la transition entre le XVIe siècle et le siècle des lumières.
Il passe son enfance au château de Boisguilbert, étudie chez les jésuites à Rouen et chez les jansénistes à Paris, le droit et le littérature. Il écrit d’abord un roman historique, Marie Stuart, reine d’Écosse. Puis il acquiert la charge de vicomte de Montivilliers, puis celle de Lieutenant général à Rouen (intendant de Louis XIV), qui implique une mission de surveillance économique. Il est en même temps fermier et négociant grâce au domaine de Pinterville acquis par son mariage avec Suzanne Le Page (ce château construit en 1680 est aujourd’hui également visitable).
Il établit là des théories économiques qui le font se heurter à Colbert et à son interventionnisme. Il pose les bases de l’économie politique classique, libérale, dans Le Détail de la France, publié d’abord anonymement (alors qu’une mission de police l’oblige à censurer les éditeurs clandestins de «mauvais livres») en 1695 : « il faut laisser faire la nature et la liberté ». Il y combat une répartition de l’impôt injuste – il défend la proportionnalité au revenu – et l’activité des financiers. Puis dans Le Factum de France (1707), il développe une théorie de l’équilibre, de l’analyse en termes de flux, et de ce qu’on pourrait appeler aujourd’hui les théories de la consommation et de la demande globale.
Parmi ses autres ouvrages, figurent Traité de la nature, culture, commerce et intérêt des gains et Dissertation de la nature des richesses, de l’argent et des tributs. L’ensemble de son œuvre a été citée en référence par les plus grands économistes et fait encore l’objet d’une large audience tant en Europe qu’au delà (Japon, Chine).
Pierre Le Pesant de Boisguilbert est considéré comme cofondateur de l’économie classique avec William Petty, Léon Walras et même Keynes, tout en ayant été admiré par Jules Michelet, Mirabeau ou Karl Marx qui dira de lui : « Boisguilbert […] prenait parti pour les classes opprimées avec autant d’intelligence que d’audace. » En cette fin du règne de Louis XIV, il est en effet sensible à l’écroulement économique du royaume et à la misère du peuple, et il cherche résolument des solutions et des remèdes. Ainsi figure-t-il tout autant comme père de l’économie sociale que de l’économie libérale et du « laissez-faire ».
Le château de Bois-Guilbert
Charles Le Pesant (grand-père de l’économiste), premier « seigneur de Bois-Guilbert », achète en 1620 les terres du Bosc Guillebert. Il y fait construire ou réaménager un château, figurant sur un plan datant de 1778.
En juin 1633, il a l’honneur d’y recevoir Louis XIII et le cardinal de Richelieu, venus à Forges avec toute la cour prendre les eaux et assister aux représentations des comédies de Pierre Corneille, fils de Marthe Le Pesant, sa cousine.
Son quatrième enfant, Nicolas, s’allie à la famille de Bonissent de Buchy, dont la seigneurerie jouxtait celle de Boisguilbert, par un mariage avec Marie de Bonissent de Buchy, fille d’un Conseiller au Parlement de Normandie. Pierre Le Pesant de Boisguilbert est le cinquième enfant du couple.
Après la mort de son aîné Charles, Pierre, devenu l’aîné (des garçons) s’attendait à bénéficier légitimement de ses droits mais ses parents favorisent son puîné, Nicolas, en lui laissant la jouissance de la terre et du château de Boisguilbert.
Pierre Le Pesant de Boiguilbert, de son côté, s’alliera avec Suzanne Le Page qui lui apportera les terres de Pinterville (Eure) où il fera reconstruire en 1680 son propre château – qui subsiste et dont les nouveaux propriétaires entendent également développer la mémoire de l’économiste (les propriétaires des deux lieux se sont rapprochés au sein de la même association).
Du château de Bois-Guilbert du XVIIe siècle ne subsistent que le pavillon et la chapelle (1625) où quelques plaques rappellent le souvenir de la famille Le Pesant de Boisguilbert, le pressoir (1643), le colombier (1672) et une partie des murs d’enceinte.
En effet, à la mort de Nicolas Le Pesant, sa seule fille survivante, filleule de l’économiste, étant sans descendance, la terre de Boisguilbert revint à Jean-Pierre Le Pesant de Boisguilbert, petit fils de l’économiste. Vers 1780 celui-ci décide de faire construire un nouveau château sur l’emplacement du vieux manoir Louis XIII. Comme en atteste l’intérieur Directoire, cette demeure ne fut achevée que beaucoup plus tard.
La terre de Bois-Guilbert est restée en possession de descendants de l’économiste, représentés jusque dans les années soixante par Étienne d’Arboval (1882-1965), son épouse née Christine d’Eté, son gendre, le comte Louis Le Mesre de Pas, sa fille Gisèle et ses petits-enfants,. C’est Jean-Marc de Pas, né en 1962, qui en hérite.
L’exposition
L’exposition réalisée sur l’économiste en cette année 2014, célébrant son tricentenaire, est accessible dans les salons du château lors du tricentenaire et pendant la saison, dans la chapelle, et le pavillon, époque Louis XIII, où sont présentés les quatre bustes réalisés par Jean-Marc de Pas. La mise en valeur de l’œuvre de l’économiste évoluera en coordination avec le château de Pinterville.