Pour cette deuxième livraison de la rentrée 2024, « Les Minutes de Port-Royal » proposent un rapprochement a priori inattendu entre le « jansénisme » et le cinéma de Jean-Pierre Melville.
Jean-Pierre Melville n’est pas considéré habituellement comme un réalisateur influencé par la pensée de Port-Royal, contrairement à Green, Bresson ou Rohmer. Pourtant, Port-Royal n’est pas inconnu à Melville, qui évoque, dans Léon Morin, prêtre, les « jansénistes » et même « Le Miracle de la Sainte Epine ». Il construit la bande-annonce de L’Armée des ombres à partir d’une citation de Pascal : « Je ne crois que les histoires dont les témoins se feraient égorger. » Dans Le Cercle rouge, plusieurs indices nous mettent sur la piste de l’abbaye de la vallée de Chevreuse, et en particulier le nom du personnage joué par Yves Montand, « Jansen », représenté sur l’un des premiers plans où il apparaît à côté d’une forme en croix ressemblant fort à un crucifix. De Jansen à Jansénius, il n’y a pas loin, d’autant que le film, dont la forme doit beaucoup à la tragédie racinienne, véhicule une morale de la corruption généralisée et de la culpabilité universelle en lien étroit avec la doctrine de Port-Royal. Si la police est effectivement un environnement toxique et pervers, conduisant inéluctablement le commissaire Mattéi sur la pente du mal et du remords (comme Jansen avant lui), le monde des truands constitue en revanche en marge de la société l’espoir d’un salut fondé sur la camaraderie virile, l’honneur et la dignité, qui tiennent lieu ici de grâce efficace.
Script de la Minute à retrouver en ligne: https://melancolie.hypotheses.org/1705